Les affaires étaient prêtes depuis des semaines. Depuis que le terme était dépassé en fait. Ça n'empêchait pas Carmen de revérifier tous les matins que rien ne manquait : serviette, gant, brosse à dent, change... Mais aussi toutes les affaires pour le bébé : bodys, tétine, peluche, doudou... Et tous les matins, Dylan se moquait de sa compagne. Par contre, il riait moins quand madame avait des envies : des fraises en plein mois de février, ça allait une minute mais pas tous les dimanches !
Justement, aujourd'hui, il faisait les frais d'une nouvelle lubie de sa dulcinée : des tomates bien mures pour faire une ratatouille à la mère du jeune homme qui venait dîner le soir. Heureusement, le marché n'était pas loin. Fier d'avoir trouvé ses tomates, il rentrait maintenant tranquillement en sifflant. L'air était doux, il ne pleuvait pas, il y avait même un rayon de soleil qui filtrait à travers les nuages de temps en temps. Puis l'Enfer se déchaîna.
Tout commença par un coup de fil : Carmen venait de perdre les eaux. La panique envahie rapidement Dylan. Il lui restait un bon kilomètre de marche pour arriver chez eux ! Ensuite il fallait prendre la voiture et se rendre à l'hôpital... Il n'arriverait jamais à l'heure !
Ce qu'il ignorait, ou plutôt avait oublié, c'est qu'un premier accouchement, ça prend du temps... Il se mit à courir, son sac de tomates à la main, battant les airs. Il criait de vague excuses à ceux qu'il bousculait, au passage. Il prit à peine le temps de sauter par dessus un petit chien qui le regardait, ce curieux petit homme qui courait comme si sa vie en dépendait.
Enfin, l'immeuble. Vite, sortir ses clés. C'est bien sûr à ce moment précis qu'elles choisirent de tomber par terre. Fébrile, il les ramassa, entra et grimpa quatre à quatre les marches des trois étages qui le séparaient de l'appartement, préférant cela à devoir attendre l’ascenseur.
Il entra avec fracas dans l'appartement.
« Je suis là ! Ne panique pas ! Fait comme le docteur a dit ! »
Seul le silence lui répond. Il fait rapidement le tour des pièces : personne. En effet, Carmen, plutôt que d'attendre son retour, avait préféré appeler une ambulance qui l'avait conduite à la maternité. Elle n'avait laissé qu'un petit mot sur la table.
« Dylan, mon cœur, calme-toi. Tout va bien. Je suis partie avec un ambulance plutôt que de te voir paniquer. Range les tomates au frigo avant de me rejoindre, et n'oublie pas le sac ! Je t'aime, à tout de suite ».
Un peu soulagé, Dylan obtempéra. Il rangea les tomates, pris le sac et ressortit. Le voisin qu'il salua dans le hall d'entrée lui trouva l'air d'un zombi : le choc l'avait rattrapé. Il allait être papa. Après neuf longs mois d'attente....
Il ouvrit la portière de sa voiture, posa le sac, s'assit au volant, les jambes encore à l'extérieur, les yeux vitreux alors qu'il réalisait : les nuits courtes, le petit bout de chou, le bonheur total mais aussi toutes les nouvelles responsabilités qu'il allait avoir... Soudain, il se leva et, sautant en l'air, hurla sa joie. Une passante se retourna en lui disant qu'il était vraiment taré de crier comme ça, à réveiller un mort.
N'y faisant pas attention, il se remit au volant et alla directement à la maternité. A l'accueil, l'hôtesse le dirigea avec un sourire charmant (et entendu) de celle qui a bien compris vers une infirmière.
Étonnamment, le travail était déjà bien avancé et il était temps d'accompagner Carmen en salle d'accouchement. On l'avait préparée et habillée, il n'y avait plus qu'à la conduire. Dylan fut emmené pour se préparer également.
Cette fois, la panique gagnait Carmen. La jeune femme avait beau avoir été anesthésiée, elle craignait d'avoir mal. Elle était même sûre d'avoir mal. Très mal. Il paraissait que c'était les pires douleurs qui soient... Et si jamais il y avait des complications ? Si le bébé allait mal finalement ? Après tout, le docteur pouvait s'être trompé.
La pauvre infirmière qui l'accompagnait subissait toutes ses questions avec une patience et une douceur d'ange. Au moins, ça lui changeait de toutes ses femmes qui l'insultaient parce qu'elles avaient mal. Ce n'était quand même pas sa faute si elles faisaient des gosses !
Enfin, la salle. Le médecin. Dylan. Celui-ci prit la main de sa belle, qui la lui broya sous le coup d'une contraction bien plus forte que les autres. Et le vrai travail commença. Il dura deux heures et demi. Deux heures et demi où la main de Dylan perdit tous ses os, où les infirmières encouragèrent Carment et où Carmen fit bien de son mieux pour finalement réussir. Leur récompense : un cri. Premier salut de leur enfant au monde, preuve qu'il était bien vivant.
La jeune femme en sueur retomba sur le brancard, exténuée. Dylan l'embrassa doucement pour la féliciter. Après les soins, le bébé revint : une belle petite fille que l'heureuse nouvelle maman prit tendrement dans ses bras.
Ça y est, ils étaient parents.