Shana arpentait Sidney depuis ce matin déjà, son sac en bandoulière sur l’épaule. Elle n’avait pas fait grand-chose, et se contentait de se promener, éventuellement acheter quelque chose, une fringue par exemple, si elle avait un coup de cœur. On se rapprochait de la fin d’après-midi et la température commençait enfin à baisser. En ce mois de Février, l’été semblait avoir battu des records.

  Pour terminer sa journée de la façon la plus agréable possible, la jeune femme décida de faire un détour par l’opéra avant de rentrer. Ce n’était pas la première fois qu’elle y allait, loin de là, mais son architecture l’intriguait toujours. Les Humains étaient des êtres étonnants.

  Elle avait eu le droit, avec toute sa promo, à une semaine de vacances. Shana avait prétendu qu’elle irait rendre visite à sa tante Elizabeth, censée habiter dans une petite ville de la métropole. Pour plus de crédibilité, et parce qu’elle aimait bien cette ville, elle était véritablement allée à Sidney. Au moins, si quelqu’un la croisait il ne pouvait rien dire. Elle avait pris une chambre d’hôtel aux abords de la ville.

  La jeune femme alla s’assoir sur un banc. Elle avait marché toute la journée. Ses pieds commençaient à lui exprimer leur fatigue et elle voulait volontiers les écouter. Elle soupira et admira un instant le magnifique bâtiment qui lui faisait face. Le ciel allait bientôt virer au doré. C’était toujours aussi bien de venir ici. Mais c’était sans compter les cris, les exclamations et les cliquetis d’appareils photos à quelques dizaines de mètres. En fait, un groupe d’hommes et de femmes s’était formé et semblait attiré par une seule et même chose, au centre du cercle. Curieuse, Shana se leva et marcha en direction du rassemblement, qui se déplaçait jusqu’à l’entrée de l’opéra. Ils s’y arrêtèrent.

  -Mademoiselle !


  -Ici s’il vous plaît !


  -Ici ! A droite !

  Sans gêne, Shana se faufila parmi les journalistes. Etait-ce à une star qu’ils parlaient ? Elle n’avait jamais vu ce genre de manifestation en vrai. Seulement à la télé ou dans certains films. On la bouscula plusieurs fois et on alla même jusqu’à lui demander de partir. Pourtant il y avait des filles de l’autre côté, qui n’avaient pas du tout l’air de journalistes. Elles étaient comparables à des puces hystériques sous l’emprise d’une drogue particulièrement puissante. Piquée, Shana poussa l’insolent. Comment pouvait-on s’adresser ainsi à elle ? Elle ? Heureusement pour eux, ils ignoraient qui elle était vraiment. Elle ne se serait autrement pas dérangée pour appeler sa garde personnelle, ou elle ne savait quoi d’autre… Elle parvint enfin à accéder au centre, à ses risques et périls. Mais elle s’en fichait.

  Une jeune femme, bien habillée, un grand sourire aux lèvres, regardait les photographes et les caméras. C’était donc elle, la cause de tout ce tumulte. Elle se prenait pour une star, pourquoi pas, mais…

  -Excusez-moi, dit Shana au perchman qui s’était placé juste derrière elle, lui bloquant le passage, vous savez qui c’est ?

  Question idiote. Evidemment qu’il savait qui c’était, sinon il ne serait pas là… quoique parfois, certains ne savaient pas ce qu’ils faisaient, ni pourquoi. Encore une particularité étonnante et même désespérante chez les Humains. Son ami cameraman se tourna vers elle. Elle posa sa main sur l’objectif. Elle n’avait aucune envie d’être ridiculisée, et vu sa réaction, elle était totalement à côté de la plaque. En même temps, ce n’était pas comme si cette femme était Beyoncé…

[Je m'excuse, c'est court uu']

Alya sortait de l’opéra de Sydney. C’était son premier vrai concert. Les représentations dans son café c’était pas grand-chose au final. Quelques amis, des amis à eux, d’autres clients parfois. Une vingtaine de personnes tout au plus. C’était vraiment un cadre privé. Cette fois-ci il y avait eu tellement plus de monde. Elle ne pensait pas être aussi connue, pas à son âge en tout cas. Elle était fatiguée. Elle avait chanté, réagissant avec son public parfois. Elle connaissait le pianiste et le batteur qui l’avaient accompagnée. Ils voulaient prendre un verre avec elle. Le batteur était mignon, elle accepta presque aussitôt.

A peine sorti de l’opéra que les journalistes l’encerclement. Tous voulaient deux trois mots de la jeune chanteuse. Elle souriait en essayant de paraître naturelle, à l’aise, bien qu’en réalité elle en était tout le contraire. Il y avait beaucoup de monde, elle ne pensait pas que autant de personnes aimaient ses chansons. Elle était néanmoins flattée. Les deux garçons semblaient s’impatienter, la chanteuse s’excusa auprès des journalistes en essayant de les rejoindre en répondant aux questions qu’on lui posait. C’était de bêtes questions comme son âge,  comment lui était venu son envie de chanter ou encore sa source d’inspiration. Elle finit par prendre congé des garçons puisqu’elle se rendait bien compte que les journalistes ne lui ficheraient pas la paix.

Alya entendit soudainement des plaintes parmi les personnes sûrement venus pour une interview pour la télé ou un journal quelconque. Puis une jeune femme sorti du lot. Elle avait l’air étonnée, à peu près autant qu’Alya du moins. Qui était-ce ? Elle l’a vit se pencher vers un homme et lui parler. Trop loin, la brune ne pu entendre la discussion. Elle tenta de faire comme si de rien n’était en continuant de répondre aux questions qu’on lui posait, à sourire devant la caméra.

   -Sérieusement, pourrais-je savoir d… qui c’est ?

   Il lui arrivait d’oublier que le niveau de langue n’était pas le même ici et chez elle.

   -Et cessez de me regarder… comme ça !

   C’était ridicule. Vraiment ridicule. Pour qui allaient-ils la prendre ? Une pauvre fille complètement coincée qui lisait du Poe et du Shakespeare toute la journée, probablement… Le journaliste lui sourit. Une idée devait avoir germer dans sa tête.

   -Vous pourriez aller lui demander ? Nous filmons, ce sera une belle prise. Il n’y a aucune honte, ne vous inquiétez pas.

   Shana le fusilla du regard. Il se moquait d’elle ?! Il en était hors de question !

   -Vous serez payée.

   -Vous vous prenez pour qui ? Vous êtes complètement tarés !

   Il fallait qu’elle sorte. Elle tendit le bras pour pousser l’homme, mais il fut plus rapide qu’elle.

   -Mademoiselle Hino ! S’écria-t-il. Nous avons quelques questions pour vous !

   Il lui fit signe de s’approcher. Ses confrères se mirent soudainement à faire de même. C’était de vrais charognards. Tous prêts à risquer leur vie pour un scoop ou un ragot inutile, mais croustillant à leurs yeux.

   -Vous allez me laisser passer, oui ? C’est du harcèlement !


   Il regarda par-dessus son épaule et se décala de quelques centimètres, sous prétexte qu’il ne pouvait pas plus. Cet enfoiré l’avait coincée. D’autres journalistes s’étaient entassés. Impossible d’aller plus loin.

[Désolée du temps de réponse chou, j'avais un peu oublié uu' J'ai relu ta rep, je suis tellement morte de rire xD]

La vedette inconnue d’approcha d’eux, et Shana ne put retenir son soupir d’agacement. Ce journaliste était plus que détestable, il était invivable !

  Au moins, elles étaient d’accord sur un point : les journalistes, c’était chiant. Elle lui proposa son aide.

  -J’aimerais bien…

  Le journaliste derrière elle la poussa et tendit son micro vers l’autre femme.

  -Vous voulez bien vous présenter ? C’est pour nos téléspectateurs, certains ne vous connaissent pas.

  Il avait dit ça pour piquer Shana. Ca fonctionna à merveille. Ah ! Si seulement il pouvait savoir à qui il avait affaire ! Il ne lui aurait alors jamais manqué de respect comme ça ! Si seulement elle pouvait avoir une emprise sur ce monde…

  -Vos téléspectateurs, mon œil, oui ! Vous être trop insupportable pour qu’on vous regarde ! Allez, vous n’avez pas bientôt fini ? Laissez-moi partir !

  Mais qu’est-ce qu’elle foutait là ? C’était n’importe quoi, un véritable chaos, une agression auditive, et une humiliation, comme si ça n’était pas suffisant. Les humains étaient parfois… étranges.

  Elle en avait plus qu’assez. Cédant définitivement à la colère, elle poussa violement le journaliste et se fraya un chemin dans la masse, usant de ses forces, même si elles n’étaient pas si grandes. Elle jeta un coup d'oeil derrière son épaule, pour inviter l'autre femme à la suivre, si le coeur lui en disait.

 -A défaut de vous en débarrasser, ça vous permettra d’avancer de plus de dix centimètres. Dit-elle à l’intention de la soi-disant star, sur un ton peut-être un poil trop tranchant.

  Puis, sans attendre davantage – elle avait assez attendu, elle se dégagea de la foule et s’en éloigna le plus rapidement possible.